Psychonauts (1+2)

Seize ans séparent Psychonauts de son successeur. Et pourtant, en tâtant des deux, on a l’impression qu’ils ont toujours cohabité côte à côte. Les principales différences se promènent dans l’histoire. Le deuxième opus se veut plus adulte, ce qui n’est pas nécessairement à son avantage. Mais grosso modo, on peut discuter de cette série comme un tout harmonieux aussi bien dans ses bons coups que dans ses écueils.

De prime abord, les excursions dans le monde réel se veulent simplettes. Sorte de Zelda 101. Collectionner des cartes et partir à la chasse au trésor constituent le summum pour un enfant issu de la normalité. Mais chez les Psychonauts, experts de la matière grise, croqueurs de l’hypothalamus, amoureux transi des synapses, tout se joue entre les deux oreilles. Et ça, l’inégalable Tim Schafer et son équipe en ont fait leur modus operandi.

Le level design, c’est la poule aux œufs d’or. S’incruster dans les tréfonds cérébraux d’un laitier paranoïaque ou un jardinier au cœur brisé est l’occasion de faire parler les métaphores. Celles-ci prennent vie à l’aide des rêves, des souvenirs, des espoirs et bien sûr des cauchemars. Psychonauts obnubile par ses mondes à la fois étranges et familiers. Naviguer dans ces entrailles exige une fine expertise dans l’usage de badges aux multiples fonctions. Néanmoins, les risques en valent la peine, car la créativité vidéoludique derrière le modelage de ces esprits tourmentés/réservés est d’une impeccabilité sensationnelle.

La lévitation en forme de « balloune » sera votre meilleure amie. Partout. Tout le temps. C’est juste le must

Outre feindre les psychologues dans un cerveau en désordre, s’improviser concierge vaut également son pesant de cacahuètes : assortir les bagages émotionnels, trier un coffre-fort aux mémoires douloureuses, capturer la quantité colossale d’images fragmentées qui circulent dans les méandres de la boîte crânienne. Tout pour meubler le futur agent en termes d’attaques et de défenses contre les censeurs de l’organisme. Aurez-vous le courage de vous débarrasser de cette urticaire qui vous ronge à chaque fois que votre rapport de mission vous fait état d’une cervelle nettoyée seulement à 98%?

Le monde de Psychonauts en est un de plateformes. On saute, on court, on vole. Et autant dans le premier que dans le deuxième opus, la caméra a souvent tendance à être capricieuse. Particulièrement dans les moments intenses de combat. Un talon d’Achille aussi tenace que les taons sur les vaches. Vos poignets se doivent de respirer le calme olympien des montagnes de l’Everest si vous ne voulez pas voir votre personnage virevolter dans tous les sens telle une girouette ayant perdu le nord.

Hommage bonbon à Godzilla. Enfin, le rêve d’empirer la crise du logement devient réalité

Tel que susmentionné, c’est le scénario qui distingue les deux entrées. Le jeune Razputin, acrobate de formation, fuit le cirque familial dans l’espoir de devenir un grand Psychonaut. Impétueux et un peu trop geek sur les bords, il ne faudra pas beaucoup de temps pour que l’aventure l’appelle à se mesurer au vilain méchant qui échafaude des plans pas gentils. Le premier jeu à cet égard ne s’encombre pas de complexités. Avec ses airs de dessin animé du samedi matin, il est parfaitement conscient que sa jouabilité se suffit amplement à elle-même.

Un piège que la suite ne parvient pas à éviter. Avec une prémisse grandiose mettant en vedette une malicieuse aux desseins perfides, Psychonauts 2 s’attaque à des sujets matures tels que l’atteinte à la vie privée et le lavage de cerveau. Des sujets que l’écriture tente de formater afin de bien les faire digérer dans l’univers qui est le sien. Mais elle finit par trébucher avec une résolution pour le moins mitigée. L’ambiance jeunesse à laquelle les créateurs tiennent mordicus n’est pas à la hauteur des péripéties mises en scène. Difficile dans ce cas de ne pas ressentir une petite touche de déception.

La série Psychonauts demeure un tour de force incontestable avec son level design nourri aux petits oignons et son aspect cartoon immortel. La belle musique de Peter McConnell, vétéran de LucasArts, n’hésite pas non plus à saupoudrer quelques références à Monkey Island dans ses mélopées. Dans une industrie qui carbure souvent à l’adolescence rebelle, à la palette grise et à la moulinette des coups de feu, Psychonauts injecte une dose de légèreté indispensable dans ce monde de brute.

L’agent Hollis Forsythe (interprétée par Kimberly Brooks). Probablement le meilleur personnage de la série.

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