Lucy Grizzli Sophie

Pour le commun des mortels, la montée de l’extrême-droite trouve généralement ses origines dans la victoire présidentielle de Donald Trump en 2016. Mais pour bien des internautes aguerris, l’ascension a débuté deux ans auparavant avec Gamergate. Sous ses airs de défense de l’intégrité journalistique dans le monde vidéoludique, ce Hashtag dissimulait une communauté vorace et dédiée au harcèlement cybernétique.

La scénariste-comédienne Catherine-Anne Toupin a repris ces grandes lignes pour sa pièce de théâtre La Meute parue en 2018. Cette dernière a maintenant droit à une version filmée dans laquelle l’actrice retrouve ses camarades de jeu, Guillaume Cyr et Lise Roy, sous l’œil avertie de la réalisatrice Anne Émond.

Rebaptisé Lucy Grizzly Sophie, le film tourne autour de Sophie, citadine au passé mystérieux qui va se recueillir dans une maison de campagne occupée par Louise et son neveu Martin. Ce dernier, défiant et insécure, se laisse prendre par le jeu de la nouvelle locataire qui l’invite à dépasser certaines limites sociales. Mais les choses ne sont pas nécessairement ce qu’elles sont.

Le degré de satisfaction envers cette adaptation cinématographique dépendra surtout de votre familiarité avec le sujet du cyberharcèlement (ou de la pièce de théâtre). Pour ma part, j’y ai décelé un suspens efficace, quoique convenu. Avec de beaux plans à la Vertigo. Ce qui lui manque essentiellement, c’est une certaine profondeur. La capacité d’aller au-delà de certains clichés visuels et de recentrer les (graves) sujets dont il est question sur la cause plutôt que les symptômes.

Lucy Grizzly Sophie demeure d’actualité. Les pourfendeurs du wokisme les plus virulents en ligne sont bien souvent des êtres frustrés contre des broutilles sans intérêt (voici par ailleurs un bel exemple en lien avec la nouvelle série X-men). Il n’en demeure pas moins que leurs échos ont trouvé une voix chez plusieurs influenceurs qui n’hésitent pas à exploiter cette bêtise jusqu’à la lie. Le système, incapable de protéger adéquatement les victimes, laisse la liberté d’expression se faire souiller par la vocifération des trolls sur Internet. Observant avec pusillanimité le paroxysme virtuel des loups.

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