Cordes vocales rouillées & mémoire disloquée #3 – Des hommes dans le soleil

Le Soleil, étoile incandescente, brûle et continuera de brûler longtemps après notre disparition. Sa longévité reflète notre mortalité si éphémère, si insignifiante dans le vaste univers.

Des hommes dans le soleil relate l’histoire de trois Palestiniens coincés à Bassorah, en quête d’un passeur pour atteindre le Koweït dans l’espoir d’une vie meilleure. Le récit est le fruit de Ghassan Kanfani, véritable figure de proue de l’activisme palestinien. Le sujet est de nos jours plus que familier. Ce que les pays pétroliers connaissaient du flux migratoire soixante ans auparavant, l’Occident commence à y goûter.

C’est avec une simplicité déconcertante que l’auteur dépeint la nécessité du déplacement avec la peur au ventre. La recherche du bonheur est la quête la plus ardue, la plus insatiable. Les pressions familiales ont aussi un rôle à jouer : une femme, un frère ou un père n’est jamais bien loin pour exercer une pression psychologique et forcer la main du voyage. Sans rien à perdre et tout à gagner, l’effort de vivre s’en trouve décuplé. Et le risque d’y laisser sa peau est relégué aux oubliettes.

Ghassan Kanfani fut assassiné en 1972 dans un attentat impliquant les services secrets israéliens. On pourrait parler Des hommes dans le soleil comme d’un ouvrage précurseur et souligner que le conflit israélo-palestinien a franchi le cap des soixante-quinze ans, mais à quoi bon? Notre actualité est le résultat d’un vieux mécanisme enclenché depuis le début du XXe siècle. Celui-ci fonctionne exactement comme l’ont souhaité les pays développés. Mais maintenant, les fuites commencent à déborder. Et les réfugiés d’hier du Koweït sont ceux de l’Italie d’aujourd’hui.

Renversera-t-on la machine? Le Soleil s’en moque bien. Il ignore jusqu’à notre existence. En dépit de ses rayons qui immolent par milliers tous ces fuyards sous le sable chaud du désert. Comme autant de rats sans nom et sans prestige.

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