Dune – Part Two

La continuité et la conclusion du premier tome de Dune est à l’image de son incursion cinématographique trois ans auparavant : théâtrale et prophétique. Avec un soupçon d’action supplémentaire.

De la même façon que Paul-Usul-Muad’dib entrevoit son avenir inéluctable de despote planétaire, Denis Villeneuve déroule, tel que prévu, le ruban de sa mise en scène avec méticulosité. En 2021, la maison Atreides s’éteignait sous l’ombre d’une direction artistique olympienne et placide. Dans cette suite, l’heure n’est plus au contemplatif, ou alors si peu. Les intrigues géopolitiques se veulent plus réalistes et terre-à-terre. Les personnages, en dépit de leur insignifiance dans le Grand Tout Universel, plus actifs sur le sentier de la guerre.

Dune II réaffirme également la réputation de Frank Herbert en tant que véritable précurseur. Le livre, paru en 1965, n’a jamais caché ses métaphores sur le désert et les Fremen en tant que duplicata de la culture arabe. Des métaphores aux références encore et toujours d’actualité et qui prouvent à quel point notre rapport au temps et à l’histoire est tronqué. Les six décennies qui séparent le roman de son adaptation à l’écran constituent une autre preuve de l’absence d’un changement concret ou quelconque dans le cycle civilisationnel. 

Plusieurs images dans le film de Villeneuve ne manqueront pas de remuer l’estomac quant à leur lien avec les événements qui bouleversent notre monde. Et bien que cela soit en grande partie attribuable à une certaine coïncidence, l’Ouroboros forgé par la réalité et la fiction se trouve malgré tout assermenté par le sceau du destin et de l’ironie.

On notera par ailleurs la difficulté, voire l’impossibilité, de se soustraire à une certaine prophétie, un certain « système ». Autant par des conquérants résignés que par leurs serviteurs naïfs. La source du mal est ailleurs, toujours prête à s’assimiler, à s’adapter pour mieux contrôler. Ici aussi le terroir dans lequel le faux se nourrit du vrai s’en trouve renforcé.

La minutie et le respect de Denis Villeneuve envers l’œuvre d’origine résident dans des choix bien précis. L’évacuation complète des aspects fantaisistes au profit d’un conflit aux ramifications claires et qui perpétue la cogitation éternelle sur la manipulation et la propagande. Chaque faction a droit à son moment de scène bien macéré, sa prise de position étalée sous le soleil éclatant d’Arrakis. Et l’œil du réalisateur continue d’être efficace en assurant les transitions exactement là où on les attend. 

Quant aux performances, elles sont du même acabit que celles du film précédent. L’actrice Zendaya a l’occasion de briller davantage dans son rôle de concubine/représentante Fremen modérée. Parmi les nouveaux venus, c’est surtout Austin Butler qui parvient à époustoufler avec son Harkonnen psychopathe dans une séquence poussiéreuse en noir et blanc particulièrement jouissive.

Dans le glossaire de Dune, le Kwisatz Haderach est un homme au savoir exceptionnel servant de contenant à toutes les connaissances du passé. Contrôler un tel personnage revient à avoir une main mise garantie sur la postérité. Ce petit jeu où le futur se transforme en un simple mécanisme malléable le rend caduc et vain. Ne reste plus que le présent éphémère, à garder précieusement dans un coin discret, afin de le vivre pleinement en attendant le point de chute fatal.

J’ose croire que Denis Villeneuve continuera de cultiver ce talent de narration pour son troisième et ultime chapitre. Celui qui fera basculer la planète désertique dans une nouvelle ère appréhendée sans surprise. Mais qui, chemin faisant, persistera à entretenir le plaisir délectable du voyage, des conquêtes, des trahisons et des amitiés.

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