Infinity Pool

Quelque part dans un pays totalitaire, un Américain se trouve dans le pétrin après avoir renversé un passant sous l’effet de narcotiques en dehors de la zone touristique. Heureusement pour lui, le gouvernement est prêt à montrer patte blanche afin de lui éviter la peine de mort : accepter de se faire cloner pour que son sosie subisse le châtiment suprême à sa place. Notre bougre, un écrivain raté vivant au crochet d’une riche fille d’éditeur, y trouve son pied.

Troisième long-métrage de Brandon Cronenberg (fils de David), Infinity Pool est un essai sympathique, mais puéril sur l’exploitation du système par la haute société. De prime abord, on a l’impression d’être invité à une belle réflexion sur l’éthique sociale du clonage ou l’hypocrisie d’une société intégriste face au fric occidental. Mais il s’agit encore d’une énième mascarade où il faut pointer du doigt l’oisiveté excessive d’une clique à qui tout est permis du moment que la carte de crédit fonctionne.

Dans ce Las Vegas pseudo-oriental où se photocopier est aussi palpitant que de se payer une prostituée au Qatar, la réalité et le psychédélique ne font pas bon ménage. Brandon Cronenberg semble suivre les traces de son père qui, un an plus tôt, avait présenté sa propre vision d’un futur dystopique à l’évolution sociale étrange. Un résultat plutôt mou du genou, mais où le ton demeurait constant. 

Infinity Pool par contre s’écrase souvent. La faute à une dichotomie entre deux thèmes qui se chamaillent continuellement la première place : l’abstraction hédoniste vs l’exploitation réelle d’un système pour des besoins personnels. Le deuxième ne parait être qu’un prétexte pour doper le premier, mais il revient fréquemment à la charge. De sorte que le metteur en scène irrite par son manque d’intérêt à développer davantage cette nation fondamentaliste qui a, contre vents et marées, réussi à parfaire la technique du clonage jusqu’à la reproduction complète de la mémoire. Il y a des prix Nobel qui se perdent.

Certes, cette bouffonnerie scientifique est la raison première pour déstabiliser notre écrivain, le forcer à entrer dans un moule qui ne lui sied pas vraiment et le transformer en une espèce de geek du plaisir sans talent ni pudeur. Mais l’appréciation de cette perte de repère et les instants charnels qui l’accompagnent sont décidément trop tiraillés par une philosophie du monde qui n’existe que pour faire joli les trois quarts du temps.

La complaisance dans une jouissance qui hurle ses droits est devenue l’apanage du cinéma d’auteur. Énième interprétation d’un tube que l’on commence à ne connaître que trop. Et qui aurait été mieux servi par une évacuation totale du réel. La prémisse, au sentiment de science-fiction non abouti, a l’effet d’un ballon percé dans une introduction trop terre-à-terre. L’impression d’assister à du Tom Clancy pour les nuls. 

Reste les acteurs qui relèvent un peu le niveau. Alexander Skarsgård et Mia Goth entre autres font du bon boulot. Mais tout cela reste vain. Infinity Pool, c’est l’équivalent Cannes du bonze hollywoodien qui prépare la dernière adaptation aseptisée de superhéros. Depuis le fameux Parasite de Bong-Joon ho, l’envie de casser du sucre sur le dos des fortunés est devenue une épreuve olympique attendue. À un tel point que ces messieurs-dames s’adonnent eux-mêmes à une autoflagellation sans subtilité. Tel un riche prince héritier demandant à sa servante de le fouetter.

De quoi arrondir ses fins de mois à Ibiza.

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