Cordes vocales rouillées & mémoire disloquée #4 – Retour à Haïfa

La lecture d’un Ghassan Kanfani s’accompagne toujours de son lot de désarroi teinté d’ironie. Dans ses ouvrages, le conflit israélo-palestinien correspond à la fois à de l’histoire ancienne et à un moment figé dans le temps. Cinquante-deux ans après la mort de l’auteur, les bouleversements liés à ce paradoxe semblent lui donner raison.

Vingt ans après la fondation d’Israël, un couple revient se ressourcer dans leur vieille demeure à Haïfa. Dépouillés à cause de la guerre et des déplacements massifs, ils sont maintenant à la recherche de souvenirs et de rêves déchus. Plus que la mémoire, les liens familiaux sacrés en ont également pris pour leur grade. À l’instar d’une extraction médicale urgente sans anesthésie, le temps arrache le citoyen lambda de son lit douillet. Et le retour, s’il devient possible, sera long, ardu et parsemé de regret et d’amertume.

Ghassan Kanfani n’a pas besoin de s’empêtrer dans de longs récits vains en métaphores. Autant Des hommes sous le soleil que Retour à Haïfa traitent du misérabilisme palestinien de la façon la plus simple et la plus courte qui soit. Une situation dans laquelle le courage fléchit souvent et où la haine se cultive abondamment à peu de frais.

Les souvenirs sont fréquemment teintés d’une nostalgie qui à l’instar des rêves crée des espoirs. Mais ce sont des espoirs chimériques. Le présent issu d’une vie volée offre tôt ou tard une réalité bien loin de celle imaginée avant l’avènement des cauchemars. Retour à Haïfa ne constitue ni une conclusion à une douleur ni une introduction à une tragédie. Il s’agit simplement du déroulement banal et misérable d’un présent devant les faits. Une larme desséchée dans un océan de pleurs éteints.

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