Devotion

La compétition vidéoludique est féroce. Sur Steam, le nombre de jeux sortis entre 2017 et 2022 a presque doublé. Entre les AAA massifs occupant l’avant-scène et les studios indépendants à la réputation déjà forgée, il est difficile pour un nouveau venu de se tailler une place dans l’imaginaire collectif. C’est dans ces moments que l’on prie pour une bonne controverse sous fond de tension politico-économique afin de venir titiller l’hippocampe du joueur. Et peut-être même le cortex.

À peine sorti sur Steam en février 2019, Devotion, du développeur taïwanais Red Candle, se voit torpiller vers l’oubli en raison d’une image faisant subtilement référence à l’allure ursidé du président chinois Xi Jinping. La plateforme de Gabe Newell n’entend pas courroucer le géant au secteur financier alléchant1. Pas de panique! En décembre 2020, la polonaise CD Projekt se propose pour héberger le petit orphelin sur GOG… avant de rapidement retourner sa veste sans réelle explication quelque temps après2.

Faute de support externe, il ne restait plus à Red Candle qu’à ouvrir sa propre boutique en 2021, loin de la frilosité du marché américain face à la pression économique de Winnie l’Ourson.

Les polémiques et les scandales cachent souvent bien peu de quoi s’offusquer et Devotion ne fait pas exception. Non pas que celui-ci soit mauvais, loin de là. Il s’agit d’une très belle histoire destinée à présenter la culture taïwanaise aux gens d’outremer. Il y est question d’un père de famille, scénariste de profession, dont la situation tourne au drame suite à la maladie de sa fille. 

Les codes empruntés à Silent Hill (surtout au P.T. d’Hideo Kojima) sont légion. Ainsi que ceux issus d’autres vétérans du survival horror tels que Clock Tower et Amnesia. Les experts seront donc en terrain connu. C’est le cadre qui viendra secouer leurs habitudes. Bien des jeux japonais ou européens ont tendance à énormément biffer leurs us et coutumes dans le but de se diluer plus facilement dans l’océan américain. Étape nécessaire pour jouer dans la cour des grands. 

Par contraste, Devotion prend ses aises et s’emmitoufle dans son chez-soi. La structure narrative devient le cheval de bataille sur lequel le jeu vainc ou meurt. Et bien que les sursauts et le chagrin habitent cette sordide histoire de relation parentale, c’est la conception de niveau qui obtient le rôle. Même la pourriture visuelle la plus moite transpire la sérénité. De sorte qu’on a toujours le sourire triste figé dans ce petit appartement de Taipei, point central d’une descente aux enfers dopée au fanatisme. Avec de surcroît un œil artistique propre aux années 80 de cette petite île au bout du monde.

Devotion ne défonce pas les portes. Il invite plutôt à les ouvrir. La curiosité est encouragée afin de s’aventurer dans des lieux familiers, mais à l’odeur inhabituelle, à la vue atypique, au goût anecdotique. 

Faire du tourisme quoi…

  1. Devotion : le jeu massivement pris pour cible par des joueurs chinois pour se moquer du président chinois (2019), hitek.fr ↩︎
  2. Devotion annulé sur GOG : Les dessous du geste controversé de CD Projekt (2020), jeuxvideo.com ↩︎

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