The Left Hand of Darkness

Sur Gethen, le vent et la glace s’enorgueillissent et s’adoucissent selon diverses nuances de température et d’épaisseur. Les autochtones, habitant cette boule de neige, ont développé plusieurs idiomes pour prévoir cette météo qui n’existe qu’en dessous du zéro Celsius. Quitte à dompter la nature, ils ont appris à vivre sous son courroux et sa placidité. Des tribus se sont formées. Des civilisations ont été bâties. Certaines sous le format du gouvernement amoureux de la bureaucratie. D’autres campées encore dans l’ère de la monarchie.

C’est dans ce bouillon de culture qu’atterrit l’ambassadeur Genly Ai. Représentant de l’Ekumen, une coalition de différentes planètes, sa tâche consiste à entrer en contact avec une nation quelconque dans le but d’ajouter un nouveau membre à la confrérie interstellaire. Une mission pour le moins ardue dans un monde qui ne connaît encore les étoiles qu’à travers l’angle spirituel. Et où les conflits géopolitiques voient en cet extra-terrestre un espion ennemi destiné à amoindrir la puissance d’une faction au profit d’une autre.

Frank Herbert avait fait de Dune une sphère écorchée par un désert impitoyable. Les vers de sable y sont féroces et l’eau tellement précieuse que la sueur se devait d’être préservée. Par analogie, l’éminente Ursula Le Guin construit un écosystème dans lequel la faune et la flore peinent à se réveiller. Les Getheniens ne peuvent compter que sur la miséricorde d’une nature mise à nu afin d’établir leurs repères. Dominé par un mistral qui brûle bien plus qu’une étoile incandescente au zénith.

Composé de huit ouvrages et d’une dizaine de nouvelles, le cycle de l’Ekumen est un tissu de mensonges comme son autrice aime bien le rappeler. Une fable magistrale née de ses connaissances en anthropologie. La découverte des mécanismes qui gèrent un hameau, un village, une métropole. C’est à cette curiosité que Le Guin soumet les règles de la science-fiction. Le cycle, dont le point de départ fut Rocannon’s World, a éventuellement abouti vers The Left Hand of Darkness, acclamé par plusieurs érudits comme l’un des magnums opus du genre.

Et il l’est assurément. Des séries comme Star Trek nous ont trop habitués à l’uniformisation des extra-terrestres. Rares sont les efforts soutenus pour diversifier les cultures, les modes de pensée, les traditions chez des humanoïdes venus d’ailleurs. Un premier contact spatial tend naturellement vers la fin – ou du moins la diminution – de conflits internes. Il n’en demeure pas moins que la curiosité pousse nécessairement à apprivoiser les divers us et coutumes avant la grande assimilation galactique. Et les Getheniens ne se ressemblent pas tous, loin de là.

The Left Hand of Darkness pousse la sociologie plus loin en introduisant une race qui choisit son sexe lors de la procréation. Une imagination quelque peu avant-gardiste et faisant écho à l’identité de genre et la transsexualité. De quoi titiller les réseaux sociaux le jour où un.e courageux.se se lancera dans une adaptation sur écran.

Le roman impressionne par sa méticulosité. Ursula Le Guin a su puiser avec brio dans son passé anthropologique pour rêver le futur. Du fonctionnement des horloges jusqu’à l’agriculture en terre froide, aucun détail n’est laissé pour compte quant au fonctionnement du mode de vie sur Gethen. Son seul reproche viendrait de quelques chapitres de survie en haute glace qui se traînent. Autrement, on a affaire ici à ce qui se fait de mieux en termes de science-fiction. Et bien plus encore.

Un commentaire

  1. […] La science-fiction se divise généralement en deux grandes catégories : la fiction dure et la fiction douce. Cette dernière fera peu cas du fonctionnement des machines qui voyagent à travers le cosmos. Elle sera davantage intéressée par l’aspect social qui régit un futur plausible et nous renvoie une image de nous-même. C’est ce que l’écrivaine Ursula K. Le Guin s’est attelée à produire dans ses écrits comme The Left Hand of Darkness. […]

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