I Saw the TV Glow

Dans la fiction, on peut trouver un confort douillet, un refuge moelleux. Le monde y est petit, les problèmes à l’étroit. Les doutes, les incertitudes et les ambiguïtés existent à travers un prisme précis et identifiable. Une page ou une scène peuvent cacher de multiples sous-entendus. La recherche pour l’esprit allumé n’y sera jamais aussi ardue que pour le sociologue de la réalité. Contrairement aux soucis véritables des bonnes gens, ceux des personnages ont le luxe d’être anodin le temps d’une histoire.

Quelque part dans les années 90, en marge de la société, Owen et Maddy vivent une adolescence difficile. Seul moment de répit éphémère : la série Pink Opaque, sorte de croisement cheap entre Power Rangers, Buffy et tout ce que la génération YTV a offert de plus cheesy. Le show a beau être niais, ses non-dits (in)volontaires constituent la source primaire qui ramène les deux ados encore et toujours devant la télé, reconvertie en une sorte de miroir identitaire.

La.le réalisatrice.teur Jane Shoenbrun joue la carte de la nostalgie. Pas question de s’embourber dans des amalgames sur le faux et le vrai. Point de peinture avec des paysages censés évoquer un quelconque message sur la fatalité de la société. I Saw the TV Glow, c’est la vénération du Point d’Interrogation avec un grand I fier et bien dressé. La seule certitude, c’est l’incertitude.

Pink Opaque ne correspond pas tant à une série incomprise qu’à un moment précis dans le temps. La résonance accidentelle avec une œuvre de science-fiction médiocre à petit budget, ça compte aussi dans la quête de soi. Dans un monde encore réfractaire aux non neurotypiques et aux non binaires, Owen et Maddy récoltent ce qu’ils peuvent de miettes nécessaires à la traversée vers l’âge adulte. Le duo Justice Smith (Dungeons & Dragons Honor Among Thieves) et Brigette Lundy-Paine meuble d’ailleurs une confusion riche en caractère. Du bonbon théâtral comme on aime en consommer.

Jane Shoenbrun sort de la même école que Rose Glass. La réalisatrice de Love Lies Bleeding avait offert plus tôt durant l’année, un film expérimental costaud et impétueux. I Saw the TV Glow suit une démarche similaire quoique sur des plates-bandes plus réservées. La mise en scène y est plus rêveuse. Une sorte d’introduction en catimini des années Clinton réclamant un minimum d’attention sans pour autant mécontenter le mastodonte nostalgique des années Reagan.

David Lynch et Alejandro Jodorowsky peuvent dormir tranquille. Avec des visionnaires comme Jane Shoenbrun et Rose Glass, leur legs chevronné du rêve sous forme humaine continuera de subsister. Le cinéma expérimental fort de demain sera résolument féministe, trans, non binaire. Ou ne sera pas.

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